Conclusion générale

La complexité grandissante des processus industriels et des pièces fabriquées, les exigences croissantes en termes de sûreté de fonctionnement ainsi que la volonté d’optimisation de la durée de vie des pièces conduisent à mettre en place des contrôles de qualité de plus en plus poussés. L’utilisation des courants de Foucault (CF) permet un contrôle non destructif (CND) fiable, rapide et peu coûteux. Sa simplicité, sa robustesse d’utilisation, et son caractère électromagnétique « sans contact » en font une technique très utilisée industriellement depuis plusieurs décennies.

Le travail présenté dans ce mémoire aborde un cas précis mais de grande importance parmi les applications du CND par CF. Il s’agit de proposer une alternative aux techniques de ressuage, très performantes pour la détection des fissures débouchantes de faibles dimensions, mais qui devront à terme être abandonnées pour des raisons de normes environnementales. Les fissures submillimétriques débouchantes, qui constituent souvent des amorces de fissures plus grandes, doivent faire l’objet d’une attention particulière. Ces fissures sont créées en grande partie par l’usinage des pièces, c’est-à-dire au moment de la fabrication. Leur détection avant la mise en service permet de prévenir la destruction des pièces en fonctionnement et d’augmenter la fiabilité des produits industriels.

Ce travail a porté sur plusieurs aspects. Tout d’abord, un banc expérimental a été mis en place à partir d’éléments existants. L’ensemble du processus d’acquisition a été repensé et reconditionné, depuis les communications entre les différents appareils jusqu’au mode de stockage des données numériques acquises. Ceci a permis une très nette amélioration du processus de prise de mesure : rapidité globale multipliée d’un facteur 5, stabilité des logiciels, exactitude dans le repositionnement de la sonde, automatisation pour pouvoir effectuer un très grand nombre de balayages de surface successifs sans intervention humaine. Ce banc expérimental optimisé permet donc de réaliser des plans d’expériences automatisés qui ont été abondamment exploités au cours de ces travaux de thèse. Sa conception autorise une grande versatilité et permettra ainsi son exploitation dans les travaux à venir des laboratoires LGEP et SATIE.

La sonde CF utilisée pour les acquisitions est constituée de trois microbobines carrées en ligne, à considérer comme structure élémentaire d’une matrice de microbobines à deux dimensions. Deux technologies de microbobines ont été considérées :

Cinq stratégies d’émission-réception ont été déterminées pour cette structure de sonde comportant trois microbobines. Elles ont été mises en œuvre dans l’acquisition de signaux CF par balayage surfacique. Les surfaces évaluées contiennent trente défauts parallélépipédiques d’orientation et de dimensions différentes, dimensions comprises entre 100 μm et 800 μm, ainsi que des zones sans défaut. Le pas d’échantillonnage spatial des balayages a été initialement fixé dans le cas de la sonde à bobines micromoulées à 100 μm, soit un dixième de la largeur des microbobines.

Le deuxième aspect important du travail effectué dans cette thèse concerne le prétraitement des signaux CF acquis. Une mise en forme générale et automatisée a été réalisée et permet d’obtenir des signaux comparables pour l’ensemble des défauts. Sa mise en œuvre est « aveugle » : le même traitement est appliqué sans distinction de la même façon à tous les signaux CF. Un calcul de rapport signal sur bruit a permis de quantifier la qualité des signaux et d’identifier les stratégies à émission différenciée (ERE-) et à réception différenciée (RER) comme étant globalement plus efficaces que les autres.

Un algorithme original de détection a ensuite été conçu. Il estime pour chaque signal CF acquis si la surface évaluée est intacte ou endommagée. Des tracés statistiques appelés Caractéristiques opérationnelles de réceptioncourbes (COR) représentent pour un grand nombre d’acquisitions la probabilité de fausse alarme (détection de défaut en absence de défaut) en fonction de la probabilité de détection correcte (détection de défaut en présence de défaut). Ces courbes, réalisées pour un grand ensemble de signaux CF acquis dans les mêmes conditions de mesure, apportent la possibilité de comparer statistiquement les stratégies d’émission-réception et les technologies de microbobines, en termes de capacité de détection. Quatre conclusions ont principalement été établies :

Ce dernier résultat de l’algorithme de détection s’inscrit dans l’optique de l’utilisation d’une matrice de microbobines à deux dimensions. Un pas d’échantillonnage spatial égal à la largeur d’une microbobine correspond alors à une acquisition sans déplacement mécanique de la sonde et par suite avec un temps d’acquisition très faible : une telle acquisition n’entraîne que 15% d’erreurs, ce qui, selon le cahier des charges, peut être considéré suffisant.

Pour le dernier point de cette étude, un autre algorithme original a été conçu et utilisé sur les signaux ayant entraîné détection. Il s’agit d’un algorithme de caractérisation ou d’inversion, qui a pour but dans le cadre de cette application d’estimer les caractéristiques géométriques des défauts, dimensions et orientation. Des paramètres ont été extraits des acquisitions afin d’être entrés dans l’algorithme. Cet algorithme est un modèle reliant ces paramètres aux caractéristiques des défauts, dont les coefficients ont été réglés préalablement par une partie des signaux CF acquis, correspondant à un pas d’échantillonnage spatial minimal.

Les estimations ont donné des résultats qui, bien que perfectibles, sont très encourageants. En effet, la profondeur des défauts a été très correctement caractérisée, avec une précision (erreur moyenne) inférieure à 30 μm même pour un pas d’échantillonnage spatial égal à la largeur d’une microbobine. La dispersion (écart-type), de l’ordre de quelques dizaines de micromètres, est convenable. En revanche, l’estimation de la longueur des défauts détectés n’a été correcte que pour un pas d’échantillonnage spatial inférieur à 700 μm (0,7 fois la largeur d’une microbobine). Au delà, l’estimation de la longueur devient trop imprécise pour permettre encore la caractérisation correcte des défauts d’une longueur inférieure à 400 μm.

L’étude réalisée pour cette thèse et exposée au sein de ce mémoire apporte une preuve que l’approche multicapteurs pour le CND par CF est viable et utile. En effet, cette approche améliore nettement les performances des sondes équivalentes monocapteurs sur trois points :

Des bases sont ainsi posées pour de futures études de multicapteurs plus complexes à deux dimensions.

En termes de perspectives, de multiples améliorations pourront être opérées au sein de l’instrumentation. La mise en œuvre d’une amplification des courants d’excitation ou des tensions de mesure devrait permettre d’augmenter les rapports signal sur bruit. L’utilisation d’un inducteur externe pourrait autoriser la conception de nouvelles stratégies d’émission-réception ainsi qu’une pénétration plus diffuse des champ électromagnétiques au sein des matériaux. Des microbobines réalisées sur support souple à base de Kapton sont d’ores et déjà disponibles et devraient conduire à de meilleures performances grâce à une épaisseur de support plus faible et à une possible conformation aux surfaces non planes. Pour les traitements des signaux, un approfondissement des développements effectués dans ce travail pourrait résider dans la comparaison de différentes méthodes d’inversion ou la mise en place de fusion de données, afin d’augmenter la confiance des estimations. Les algorithmes mis en place et les méthodes utilisées sont en effet suffisamment généraux pour pouvoir être réutilisés dans des études ultérieures.